Les débuts des modèles électriques sont douloureux au sein du groupe Toyota! Si le géant japonais affiche de grandes ambitions en la matière, avec une plateforme commune capable de se décliner en une foule de modèles, le bZ4X a subi un retard de commercialisation de près d’un an, alors que les ingénieurs ont dû plancher en urgence sur une mise à jour logicielle pour régler les problèmes d’autonomie. Dans la foulée, la griffe de luxe Lexus suit évidemment le mouvement. Le rôle du RZ 450e, cousin du bZ4X n’est pas mince: il doit faire oublier l’UX 300e, premier modèle à batterie de la marque, aux performances décevantes et dont les premiers exemplaires ont été affectés d’importants problèmes de compatibilité de charge.
Par rapport à son cousin, le Lexus RZ 450e revendique un standing supérieur. Le style est spécifique, et reprend les canons en vigueur chez la marque japonaise. Le gabarit, aussi, est supérieur. La longueur culmine à 4,80 m, soit 11 cm de plus que le Toyota bZ4X. Voilà qui permet à Lexus de positionner son SUV électrique à mi-chemin entre ses NX et RX, tous deux hybrides. Et de présenter le RZ comme un rival direct des BMW iX3 et Mercedes-Benz EQC. Cela se traduit sur le tarif, très ambitieux: la finition Luxe d’entrée de gamme ne réclame pas moins de 75.500 € et la plus huppée, dénommée Executive, culmine à 85.000 €. A équipement équivalent, c’est très proche des deux concurrents cités par Lexus.
Mais le bât blesse lorsqu’on examine de près les caractéristiques du RZ 450e. La longueur supérieure par rapport au Toyota bZ4X n’est que de l’esbrouffe stylistique: l’empattement de 2,85 m est identique entre les deux modèles. Ce qui signifie que l’habitabilité, certes très correcte, ne progresse pas vraiment. A l’arrière, on reproche d’ailleurs une banquette trop près du sol, qui impose une posture peu confortable aux grands gabarits. Le coffre gagne tout de même un peu: à 522 litres contre 452 litres sur le bZ4X. Mais on ne peut s’empêcher de penser que gonfler les porte-à-faux ne suffit pas à faire une voiture de luxe.
Car la présentation n’est pas à la hauteur du tarif. Nous ne jugerons pas ici le style particulier, qui peut plaire ou déplaire. Mais la fausse vitre de custode remplacée par un panneau de plastique noir brillant n’est pas à sa place sur une auto aussi chère. Surtout qu’elle impose une rupture dans le tracé des joints de vitres, ce qui perturbe le profil. A bord, les assemblages sont certes soignés, mais les matériaux manquent de noblesse. En particulier le skaï qui habille la sellerie de la finition Luxe. Certes, de plus en plus de clients demandent des alternatives au cuir, mais d’autres marques, à l’image de Volvo, savent innover avec des textiles séduisants. On ne peut pas dire que cet intérieur donne une impression de qualité supérieure à celle d’un Tesla Model Y ou d’une Hyundai Ioniq 5, deux modèles proposés environ 20.000 € moins cher à équipement équivalent.
Surtout, ce qui compte aujourd’hui dans une voiture électrique, c’est l’autonomie. Là encore, le compte n’y est pas, puisque le Lexus RZ 450e se contente de reprendre à l’identique la batterie du Toyota bZ4X, aux cellules NMC 622 fournies par Panasonic. Sa capacité utile se limite à 64 kWh (capacité totale de 71,4 kWh). C’est trop faible, face aux Mercedes EQC (80 kWh utiles) et BMW iX3 (74 kWh utiles) et Hyundai Ioniq 5 (77 kWh utiles).
Ce RZ 450e ne se distingue pas non plus par sa sobriété. Nous avons relevé une moyenne de 18 kWh/100 km sur route dans le meilleur des cas (jantes de 18 pouces, et 20,5 kWh/100 km avec les jantes de 20 pouces) et de 25 kWh/100 km sur autoroute. Même si cette dernière valeur est étonnamment plus faible que ce que nous avions relevé sur le bZ4X, cela correspond à des autonomies assez quelconques, respectivement de 340 km et 260 km… A condition d’utiliser toute l’énergie contenue dans la batterie. Or, c’est quasiment impossible, puisque la réserve (reste de capacité lorsque la jauge d’autonomie affiche zéro) contient 8 % de charge. Voilà qui enlève encore entre 20 et 30 km de rayon d’action.
La vitesse de charge est simplement dans la moyenne: le pic constaté de 143 kW est correct et les 31 minutes pour passer de 20 % à 80 % juste satisfaisants, tout comme les 15 minutes pour récupérer 100 km d'autonomie. Le plus embêtant demeure la puissance qui plafonne à 12 kW au-delà de 80 %: il faut alors une heure pour terminer le plein, ce qui rend, dans les faits, les derniers 20 % inutilisables sur longs trajets. Mais cela devrait être corrigé par une mise à jour similaire à celle qui sera appliquée au bZ4X à partir de mai. "Cette mise à jour concerne la plateforme. Ce qui signifie que si le bZ4X l’a, le RZ 450e l’aura aussi, peut-être avec un petit décalage dans la production", nous confirme Yoichiro Kasai, assistant chef ingénieur du Lexus RZ.
Alors reste-t-il au Lexus RZ 450e un agrément de conduite au-dessus de la moyenne pour se distinguer? C’est un des arguments de la marque. D’ailleurs, il diffère de son cousin bZ4X par une puissance supérieure, qui culmine à 313 ch. "La puissance combinée des deux moteurs équivaut à celle de la batterie", assure Yoichiro Kasai. Si la combinaison est inédite, les éléments sont connus: le moteur avant de 204 ch et 266 Nm est celui du bZ4X traction, alors que celui de l’arrière (109 ch et 168 Nm) est partagé avec le bZ4X à transmission intégrale. Notons que les deux moteurs disposent du même rapport de réduction pour harmoniser les régimes. Mais, en contrepartie, cela ne permet pas de pouvoir utiliser l’un ou l’autre selon les conditions de conduite pour favoriser l’efficience. Pour des raisons de standardisation au sein de la gamme, il s’agit de deux moteurs synchrones à aimants permanents, fournis par Aisin, qui est une filiale de Toyota.
Evidemment, avec une telle cavalerie, le Lexus RZ 450e n’est pas fainéant: avec une accélération de 0 à 100 km/h annoncée en 5,3 secondes et un 80 à 120 km/h mesuré en 4,2 secondes, il tient la dragée haute à de nombreux rivaux, même plus puissants. Mais le bZ4X, avec seulement 218 ch, se montrait déjà si vivace (0 à 100 km/h en 6,9 secondes et 80 à 120 km/h en 4,7 secondes), qu’on espérait encore plus. Aussi, on est déçus par la vitesse de pointe de 160 km/h (163 km/h) compteur, très faible pour un modèle de ce standing.
Cette mécanique participe au plaisir de conduire, même si la gestion de la transmission intégrale mise plus sur la stabilité que sur un côté ludique. Le RZ 450e se révèle parfaitement neutre, même si on écrase l’accélérateur en courbe. L’antipatinage assez finement géré garantit une motricité impeccable. C’est le cas sur le bitume, évidemment, mais également en tout-chemin. Nous avons pu vérifier lors d’un croisement de pont sur une piste de terre que ce SUV Lexus est capable de s’extraire aisément d’une situation délicate en maîtrisant immédiatement le patinage sur la roue délestée. Une belle performance.
La mécanique est convaincante, la tenue de route également. Que ce soit avec les jantes de 18 ou 20 pouces, le RZ 450e affiche une belle sérénité, digne de la réputation de la marque. Le silence à bord est également bien meilleur que sur le bZ4X, en particulier concernant les nuisances aérodynamiques. L’auto est feutrée mais, dans l’absolu, elle ne creuse pas l’écart par rapport à la concurrence: il subsiste quelques résonances de caisse. Le Mercedes EQC est encore plus isolé. Il en va de même concernant le confort. Pour son SUV électrique, Lexus s’est contenté d’amortisseurs passifs dont la réaction varie en fonction de la fréquence de sollicitation. Le maintien de caisse est bon, mais on déplore des percussions trop présentes à basses vitesses. D’un véhicule aussi cher, proposé par une marque dont le confort est une des vertus historiques, on attendait nécessairement mieux. Et une suspension pilotée.
Pour l’instant, le Lexus RZ 450e doit se contenter d’un classique volant, qui commande une direction à la consistance douce et agréable… Voilà qui est bien dommage ! Car c’est précisément sur ce point que ce SUV électrique aurait pu faire la différence. Initialement, une direction "by wire" (pas de lien mécanique entre le volant et les roues, tout est géré par électronique) devait être livrée de série sur la finition Executive, dès le lancement. Finalement, il faudra attendre 2025 pour voir arriver cette option appelée One Motion Grip. "Le système est déjà très abouti, mais il nécessite d’être encore raffiné. Cet équipement va équiper tous nos modèles à l’avenir. Nous ne pouvons pas nous permettre de lancer un équipement imparfait", souligne Yoichiro Kasai.
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Lexus nous a laissé conduire assez longuement des prototypes équipés de la direction One Motion Grip. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le résultat est prometteur. Ce système a l’avantage de combiner un rapport de réduction très direct à basse vitesse en manœuvres, qui permet de tourner le volant de manière minimale, à une démultiplication plus importante à haute vitesse, pour que les réactions ne soient pas trop vives. On s’habitue très vite aux avantages et à la facilité de ce nouvel équipement. Même si, comme avec les châssis à quatre roues directrices, il y a toujours une légère incertitude sur la trajectoire en entrée de virage. Voilà qui nécessite des pneus aussi adhérents que progressifs pour éviter toute frayeur en cas d'excès d'optimisme. Le retour d'information dans le volant est très bon.
Cette direction vient avec un volant "papillon" qui n’est pas sans rappeler celui de la Tesla Model S Plaid. Mais là où l’américaine impose parfois plusieurs tours de volant parce qu’elle garde une colonne de direction classique, rien de tout ça chez Lexus: quelle que soit la situation, il est possible de conserver les mains au même endroit. Bluffant, même si quelques cas nécessitent encore d’être améliorés. Comme le manque de réactivité sur les mouvements rapides et de faible amplitude à vitesse soutenue (pour éviter une pierre, par exemple). Ou les virages serrés à basse vitesse: la direction réagit trop peu au moment de tourner de volant, sur les premiers degrés, puis de manière trop brutale par la suite. Plus de progressivité serait bienvenue.
C’est la direction One Motion Grip qui donnera un véritable intérêt au Lexus RZ 450e. Car ce SUV électrique est la nouvelle preuve qu’il ne suffit pas d’étendre une base technique dédiée à un modèle compact pour faire une voiture de luxe. Ce qui fonctionne chez Skoda, où les tarifs sont raisonnables, n’est pas acceptable sur cette Lexus au prix élevé. Qu’il s’agisse de l’autonomie, de la présentation, ou même du confort, le RZ n’est pas à la hauteur de ses rivaux directs, eux-mêmes largement à la traîne derrière les références qui se nomment Tesla Model Y et Hyundai Ioniq 5. Certes, Lexus met en avant un accueil soigné dans ses concessions et une garantie de 10 ans sur la batterie. Mais cela ne suffit pas. Le produit en lui-même se doit d’exceller. Le constructeur japonais a prouvé qu’il était capable de surclasser la concurrence avec son NX 450h+, il doit donc sérieusement redresser la barre avec ce RZ 450e.